Le Gouvernement du Sénégal a procédé à la notification de dénonciation unilatérale de la convention fiscale de non double imposition liant le Sénégal et l’Île Maurice.

Cette dénonciation aura des impacts fiscaux significatifs sur les flux financiers réalisés entre les contribuables sénégalais et les sociétés établies à l’Île Maurice.

La présente analyse a pour objet de faire le point sur ce que vous devez savoir sur les implications fiscales d’une telle dénonciation.

Après un bref détour sur les conditions juridiques de ladite dénonciation (1) nous verrons avec vous les implications fiscales.

1.     Conditions juridiques de la dénonciation

Aux termes des stipulations de l’article 29 de la Convention fiscale susmentionnée, chacun des deux États peut notifier à l’autre partie contractant, par écrit et par la voie diplomatique, au plus tard le 30 juin de chaque année civile postérieure à la cinquième année suivant celle de l’entrée en vigueur de la Convention, son intention de mettre fin à la Convention.

Il ressort de cette stipulation qu’au Sénégal la Convention cesse de produire ses effets à compter du premier janvier de l’année civile suivant la date de notification en ce qui concerne l’impôt retenu à la source sur les montants payés à des non-résidents.

S’agissant de Maurice, la convention n’aura plus vocation à s’appliquer à compter du 1er Juillet 2020. Cela engendrera un impact significatif au plan fiscal pour les contribuables des deux Etats

2.     Incidences de la dénonciation au plan fiscal

Les conséquences fiscales de cette dénonciation seront plus importantes en matière d’impôts directs (2.1) qu’en matière de taxation indirecte (2.2).

2.1. Incidences de la dénonciation de la convention au regard des impôts directs

Dès lors que les stipulations de la convention ne trouvent plus à s’appliquer, les règles de droit commun, en l’occurrence les dispositions du Code général des impôts (CGI) sont applicables sans restriction.

Pour rappel, la convention fiscale de non double imposition conclue entre le Sénégal et l’Etat de Maurice prévoit certains avantages fiscaux dont les plus importants sont les exemptions de retenues à la source sur les rémunérations versées dans l’autre Etat notamment les dividendes, les intérêts et les redevances. Ainsi, avec la dénonciation de la convention, ces exemptions sont supprimées.

Les redevances

Il est précisé d’abord que les sommes visées à l’article 202 du CGI perçues par des personnes ne disposant pas d’installation professionnelle permanente au Sénégal donnerons lieu à l’application de la retenue BNC prévue par cet article au taux effectif de 20%.

Les dividendes

Ensuite, les dividendes versées à des personnes ou sociétés résidentes fiscales de Maurice devront désormais faire l’objet de retenue d’impôt sur les revenus de valeurs mobilières (IRVM) au taux de 10% conformément aux articles 85 et suivants du CGI.

Les intérêts

En outre, s’agissant des intérêts, leur versement à une personne physique ou morale résidente de l’Etat de Maurice devra faire l’objet d’une retenue à la source au titre de l’impôt sur les revenus de créances au taux de 16% conformément aux dispositions de l’article 101 du CGI.

    2.2. Incidences de la dénonciation de la convention au regard de la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA)

Pour rappel, aux termes des dispositions de l’article 383.f du CGI, n’est pas déductible la TVA ayant grevé les prestations de services, quelle que soit leur dénomination, lorsque le bénéficiaire de la rémunération n’est pas imposable à un impôt sur le revenu au Sénégal sur lesdites rémunérations.

Cet article prohibe la déduction de la TVA pour compte lorsqu’elle porte sur des opérations de concession de droit de propriété, d’assistance technique ou de mise à disposition de fonds à titre d’avance ou de prêts avec intérêt n’ayant pas supporté un impôt sur le revenu au Sénégal.

Ainsi, la dénonciation de la convention aura pour incidence de rendre déductible la TVA pour compte supportée sur les opérations réalisées avec les prestataires établis à Maurice. Autrement dit, dorénavant la TVA pour compte passée en charges jusque-là sera totalement récupérable dès lors que les conditions de déductibilité seront satisfaites.

3.     Sort des engagements contractés sous l’égide de la convention fiscale dénoncée

Il faut rappeler que la dénonciation produit des effets différents selon la nature de l’impôt. En effet, en ce qui concerne les impôts perçus par voie de retenue à la source sur les revenus des capitaux mobiliers par exemple, la convention ne trouve plus à s’appliquer à l’imposition des revenus dont la mise en paiement intervient à compter du 1er Janvier 2020.

En revanche, la convention demeure applicable à l’imposition des revenus des capitaux mobiliers dont la mise en paiement est intervenue au cours de l’année de dénonciation en l’occurrence l’année 2019.

Ainsi, il convient de noter que demeurent couverts par la convention les revenus dont le fait générateur est intervenu antérieurement au 1er Janvier 2019, quand bien même l’imposition de ces revenus interviendrait après cette date.

Par exemple, les intérêts comptabilisés en 2018 mais payés en 2019 sont couverts par la convention ; étant entendu que le fait générateur de la retenue sur les intérêts (IRC) est leur comptabilisation.

Pour notre part, nous sommes d’avis que les engagements conclus en considération des avantages fiscaux accordés par la convention et en l’absence desquels lesdits engagements n’auraient pas été pris, ne resteront pas couverts par celle-ci postérieurement à la dénonciation.

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