C’est une visite d’État au pas de course qu’a effectuée la délégation présidentielle kenyane dirigée par Uhuru Kenyatta. Au menu, six accords bilatéraux mais surtout la signature d’un nouveau traité fiscal entre les deux États.
Preuve de l’intérêt grandissant de la petite île de l’océan Indien pour l’Afrique (à la fois si proche et si lointaine), Port-Louis a accueilli son troisième chef d’État de ce continent en moins de quatre mois. Après le président mozambicain (en février) et malgache (en mars) c’est le président kenyan, Uhuru Kenyatta qui s’est rendu sur l’île en avril.
S’il s’agissait d’une visite d’État – Port-Louis avait mis les petits plats dans les grands et la presse mauricienne a largement couvert l’événement – étonnamment, « ce voyage a été largement occulté et peu mis en avant par la présidence kenyane », déplore Aggrey Mutambo, le journaliste vedette du Daily Nation (170 000 exemplaires par jour), le principal quotidien du pays qui appartient au groupe de presse Nation Media Group. D’ailleurs, certaines sociétés locales « regrettaient d’avoir été, tardivement, invitées au business forum (qui clôturait cette visite de quatre jours) ».
Financer le « Big Four Agenda »
Cette impression était confirmée par le nombre restreint de sociétés kenyanes présentes : 18. Au final, six accords bilatéraux ont été signés entre Nairobi et Port-Louis : dans l’éducation et le secteur commercial avec la création de zones économiques spéciales et la volonté de créer un regional maritime service pour dynamiser la coopération régionale entre les ports du Kenya, de Maurice, du Mozambique et de Madagascar, avec l’aide de la Commission de l’océan Indien (COI). Mais c’est surtout la signature entre les deux États d’un nouveau traité fiscal de non-imposition Double Taxation Avoidance Agreement (DTAA), dont le contenu reste en grande partie confidentiel, qui a été le point d’orgue de cette visite.
La première version avait été rejetée pour des raisons techniques par la Haute Cour de Nairobi (et non par la Cour suprême, comme indiqué dans de nombreux titres de presse mauriciens). « Dans les pays du Commonweath, tout traité et toute loi doivent passer par le Parlement pour être activés. Nos dirigeants peuvent tout signer en dehors de nos pays mais notre Parlement doit donner son accord », explique un avocat constitutionnaliste mauricien. Or Uhuru Kenyatta n’avait pas respecté cette procédure. Le chef de l’État du Kenya était bien décidé à finaliser un nouvel accord car, lors de sa réélection en 2017, il avait lancé le Big Four Agenda.
Nouvel accord
Ce programme est axé sur l’industrialisation, l’accès aux soins de santé, à des logements abordables et à la sécurité alimentaire. Pour le financer, ce pays est-africain veut multiplier par cinq le montant des investissements directs étrangers (IDE) en les faisant passer à 3,8 milliards de dollars ! Un nouveau traité fiscal de non-imposition devenait donc vital pour Nairobi mais également pour Port-Louis dont le secteur financier est à la recherche d’un nouveau souffle.
Ce voyage à Port-Louis tom-bait un mois – quasi jour pour jour – avec la « réconciliation » inattendue entre Uhuru Kenyat-ta et son principal opposant Raila Odinga. Interrogé par nos confrères de Jeune Afrique, Murithi Mutiga, chercheur à l’International Crisis Group, souligne que « Kenyatta, avec cette nouvelle « alliance », reconnaît qu’il ne peut mettre en place son programme économique ambitieux dans un pays si divisé et en proie à l’instabilité ». Et avec cette « paix des braves », le président se préserve surtout d’un éventuel couac au Parlement car « il détient aujourd’hui deux tiers des sièges. Il prépare les élections présidentielles de 2022 », conclut Aggrey Mutambo du quotidien Daily Nation.
Source – EcoAustral