Renaud Azéma se donnait pour ambition de faire de Vatel Maurice l’équivalente des plus grandes écoles hôtelières. Dix ans plus tard, il a la satisfaction de voir qu’elle est aussi une solution de l’activité touristique à Maurice, dans la sous-région et maintenant en Afrique.

« Mon objectif était de créer une école qui soit au moins l’équivalente de Lausanne (une des plus anciennes écoles hôtelières au monde) et de Cornell (le Harvard du management hôtelier) ! », confie Renaud Azéma, clin d’œil en tendu. Le Chief Executive Officer (CEO) de Vatel Mauritius a le mérite de voir grand et de l’assumer. Mais il est vrai que dans son bureau, dont les grandes baies vitrées offrent un panorama à 180° sur le hall et lui donnent une impression de tour de contrôle, on peut lire cette citation du poète italien Gabriele d’Annunzio : « Memento audere semper » (souviens-toi de toujours faire preuve d’audace). Cette devise sonne comme un rappel pour les 342 étudiants venus de Maurice et de l’extérieur qui se côtoient sur le campus ultra-moderne de l’École internationale d’hôtellerie et de management Vatel. Créée à Paris en 1981, elle a été sacrée, en 2016, meilleure école hôtelière au monde aux Worldwide Hospitality Awards !
Difficile d’imaginer qu’à l’ouverture de l’école à Maurice, en 2009, ils n’étaient que… 15 étudiants à se presser dans une maison à Quatre-Bornes ! C’est en 2007 que Renaud Azéma achète la franchise Vatel. Il l’enregistre sous le nom de Trianon Hotel & Tourism Management Centre Ltd (THTMC). Il a déjà derrière lui une solide expérience dans le secteur. 

Un baroudeur

Titulaire d’une maîtrise de tourisme, c’est en Australie que ce Français débute comme chef de projet. Il s’envolera ensuite pour l’Algérie et l’Égypte. Il est au Sinaï quand éclate, en février 1991, la première guerre du Golfe. Surpris par les événements, il se fait rapatrier par une patrouille de l’ONU ! Après un tour du monde pour se remettre de ses émotions, il débarque au Tampon, à La Réunion. 
Sans le savoir, c’est le début d’une longue histoire avec nos îles…
En 1994, il est recruté par la Chambre de commerce et d’industrie où il met en place le label Réunion Qualité Tourisme, avant d’enseigner au  Centre de formation technique du tourisme, de l’hôtellerie et de la restauration (Centhor) de Saint-Gilles. En 1996, il intègre à Maurice la toute nouvelle École hôtelière Gaëtan Duval en y lançant différentes formations. En 2005, retour à La Réunion où il est nommé directeur du Centhor. Deux ans plus tard, il fait l’acquisition de la franchise Vatel avec l’objectif de proposer des formations hôtelières beaucoup plus polyvalentes, incluant gestion, finance, comptabilité, ressources humaines et même marketing.
« Notre offre n’a pas tout de suite été comprise par le secteur, qui y a vu de la concurrence plus qu’un apport complémentaire de formation.», s’amuse aujourd’hui le patron de l’école. Il doit défendre devant la Tertiary Education Commission (Commission pour l’enseignement supérieur) la solidité et l’originalité de son projet. Si l’autorisation est remise en décembre 2008, l’école n’ouvre qu’en mars 2009. Et depuis, Vatel effectue deux rentrées par an ! Une en avril, pour les étudiants mauriciens et africains qui ont obtenu leur HSC (équivalent du bac) et l’autre en septembre, pour les bacheliers. 
L’école atteint vite sa vitesse de croisière : « Les résultats de mes cinq premières années étaient au-dessus de mon business plan », tandis que le chiffre d’affaires est en constante augmentation (1,8 million d’euros en 2017). Il provient principalement des frais de scolarité, mais aussi des ventes effectuées à la cafétéria et des activités de consulting et de formation continue. « Je reverse 10 % de royalties sur mes frais de scolarité à Vatel Développement, une entité chargée de développer l’enseigne. » 

Des méthodes novatrices

Ce succès s’explique par des méthodes novatrices d’enseignement : comme ce « jeu des 7 familles avec les principaux hôtels de l’île », ou une « sorte de Monopoly qui évoque le parcours d’un étudiant de son intégration jusqu’à son diplôme », et même « une bande dessinée présentant notre école, qui devrait devenir un dessin animé ». Mais Renaud Azéma mise surtout sur la révolution de l’enseignement. « Je suis en train de lancer une formation en réalité virtuelle qui permet à l’apprenant de s’immerger à 360° en environnement professionnel avec des interactions. Mon objectif est de remplacer les livres ! Ces modules vidéo pourraient être mis à la disposition d’autres écoles. Cela nous a conduits à repenser notre cursus et à le découper en modules autonomes. »
Si l’école accueille aujourd’hui à Maurice 30 % d’étudiants étrangers de vingt nationalités différentes, Renaud Azéma a voulu, dès le début, en faire un pôle d’excellence et un hub régional. C’est ainsi qu’il a obtenu la master-franchise de Vatel pour l’Afrique de l’Est et australe anglophone. Une décision stratégique puisque selon la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique, le tourisme est appelé à devenir un axe économique majeur. Il devrait croître de 5 % d’ici 2030 pour atteindre 150 millions de touristes. Or, il y a peu d’institutions formant sur place des managers. 

Faire de Maurice un pôle d’excellence régional 

Pour asseoir son déploiement, Renaud Azéma crée, en 2014, Trianon Business Development (TBD), en charge des sous-franchises. La même année, il ouvre à Tananarive la seconde école Vatel dans l’océan Indien, et en 2017 c’est au tour de La Réunion. Cap ensuite sur le Rwanda où l’école a accueilli, début 2018, ses premiers étudiants. À noter que 15 de ces 17 Vatéliens bénéficient du soutien financier de la fondation Mastercard qui a décidé d’injecter 50 millions de dollars. « Cette opération pilote d’une durée de cinq ans pourrait être dupliquée dans d’autres pays… »
Mais l’engrenage décisif pour le développement international de Vatel en Afrique est sans doute, en février 2018, la signature d’un « agrément » avec le prince Cedza Dlamini, CEO de l’Ubuntu Institute, pour l’ouverture d’une école Vatel à Johannesburg. Les frais de scolarité annuels sont variables selon les États. « Déclinés selon les réalités locales, ils sont de 3 000 euros à Madagascar, 6 500 euros à La Réunion et 7 000 dollars au Rwanda. TBD récupère 10 % de royalties sur les frais de scolarité et reverse 5 % à Vatel. » 
Bref, la volonté de ce père de trois jeunes femmes, dont une est devenue cheffe, « que Vatel ne soit plus uniquement une école mais une solution de l’activité touristique mauricienne, régionale et continentale » est bel et bien en train de prendre forme. 

PROGRESSION 
Vatel a rapidement largement dépassé son point mort. Son chiffre d’affaires en constante augmentation a atteint 75 millions de roupies (1,8 million  d’euros) en 2017. Une grosse part des bénéfices est réinjectée.

INNOVATION
Renaud Azéma a développé des outils originaux et des méthodes novatrices d’enseignement comme un jeu des 7 familles et une bande dessinée. Il va lancer des modules de formation en réalité virtuelle. 

DYNAMISME À L’EXTÉRIEUR 
Installée en 2009 à Maurice, Renaud Azéma a depuis exporté la marque Vatel à Madagascar, La Réunion, Rodrigues, au Rwanda et bientôt en Afrique du Sud. 

ENGAGEMENT CITOYEN
Les frais scolaires d’une trentaine d’étudiants mauriciens, dont 22 en première année, sont financés à 100 % par l’école. Ces 22 étudiants ont bénéficié du programme Lift (des bourses intégrales et complètes pour le Bachelor (Bac+3), lancé à l’occasion des 50 ans de l’indépendance de Maurice). Ce programme novateur intéresse le groupe international Marriott. 
 
Source – Eco Austral